Points saillants
- M. Mitloehner a soulevé deux problèmes clés dans la façon dont les émissions des bovins sont décrites :
- premièrement, la manière dont nous mesurons les gaz à effet de serre (GES) n’est pas réaliste;
- et deuxièmement, le méthane ne devrait pas être considéré comme ayant le même impact sur les changements climatiques que le dioxyde de carbone.
Frank Mitloehner, Ph. D., éminent professeur et spécialiste de la qualité de l’air, n’est absolument pas d’accord pour mettre les émissions des bovins au banc des accusés.
« L’idée qu’un changement à l’alimentation aurait un impact radical sur le climat est complètement exagérée et, à mon avis, plutôt dangereuse, déclare M. Mitloehner. Cela détourne notre attention de la toute puissante industrie des combustibles fossiles. »
Le professeur de sciences animales à l’University of California (Davis) s’est récemment adressé aux délégués du forum annuel sur la nutrition (édition virtuelle) de la BC Dairy Association, qui portait sur les liens entre l’alimentation et les changements climatiques. Il a fait remarquer que des études montrent que, si une personne passait d’un régime omnivore à un régime végétalien, son empreinte carbone serait réduite d’environ une tonne par an. Toutefois, si cette même personne prend un seul vol transatlantique durant cette période, non seulement elle annulera entièrement cette réduction, mais elle ajoutera une autre tonne de pollution dans l’air.
Recadrer les émissions de carbone des bovins
M. Mitloehner a soulevé deux problèmes clés dans la façon dont les émissions des bovins sont décrites : premièrement, la manière dont nous mesurons les gaz à effet de serre (GES) n’est pas réaliste; et deuxièmement, le méthane ne devrait pas être considéré comme ayant le même impact sur les changements climatiques que le dioxyde de carbone.
« Chaque fois que vous avez conduit une voiture, ou brûlé du charbon ou du gaz, explique M. Mitloehner, vous avez émis du CO2 dans l’atmosphère, et ce gaz demeure dans l’atmosphère tout au long de votre vie – en plus de celui rejeté par vos parents, vos grands-parents, et ainsi de suite. » Le méthane, quant à lui, a une durée de vie atmosphérique d’environ une décennie, ce qui est très différent des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone, qui persiste pendant longtemps, avec sa demi-vie de 1 000 ans.
Lorsqu’une vache éructe du méthane, non seulement cette émission se produit-elle naturellement à partir du carbone issu de la photosynthèse, mais elle reste dans l’atmosphère pendant seulement 12 ans avant de se transformer en CO2 pouvant être réutilisé par les autres vaches. « Sans les ruminants, explique M. Mitloehner, nous ne pourrions pas utiliser les graminées qui poussent sur les deux tiers des terres agricoles de la planète. » Ce processus est appelé le cycle du carbone biogénique – et est lié aux émissions provenant de sources naturelles, comme les vaches.
S’agit-il toutefois d’une bonne chose, compte tenu de la longue demi-vie du dioxyde de carbone?
« La question n’est pas de savoir si c’est une bonne ou une mauvaise chose, explique M. Mitloehner. Elle est de savoir si le carbone émis par le bétail est du nouveau carbone qui s’ajoute à l’atmosphère, provoquant ainsi un réchauffement supplémentaire. »
Et la réponse à cette question est non.
Aller au-delà de la carboneutralité
Un groupe de travail de l’Université Oxford, dirigé par le professeur Myles Allen, appuie l’idée selon laquelle nous ne traitons pas le méthane de la bonne manière. Il a d’ailleurs proposé une nouvelle unité de mesure pour étudier l’impact des émissions de courte durée de vie, comme celles de méthane, sur le climat. Le groupe affirme que la mesure actuelle des GES surestime l’effet de réchauffement du méthane produit par le bétail et ne tient pas compte de la capacité du méthane à provoquer un refroidissement lorsque les émissions sont réduites.
« Notre objectif devrait être la neutralité climatique, fait valoir M. Mitloehner, et non la carboneutralité. »
Selon lui, le système actuel de mesure des GES « compare des pommes et des oranges », puisque les aliments sont évalués les uns par rapport aux autres en dépit de leurs profils nutritionnels uniques. Par exemple, la production de bœuf est peut-être celle qui émet le plus de GES par kilogramme, soit près de 60 fois plus que les légumes ou les fruits, mais M. Mitloehner souligne que cette comparaison n’est pas réaliste.
« Un kilogramme de viande de bœuf est très riche en nutriments, explique-t-il. Mais un kilogramme de pommes ne contient pas une quantité égale d’éléments nutritifs essentiels. »
En outre, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations-Unies estime que de 70 à 80 % de l’empreinte environnementale du bétail se produit dans les pays en développement ou émergents. « Ces chiffres ne s’appliquent pas au Canada ni aux États-Unis; ce sont des moyennes mondiales », explique M. Mitloehner, en ajoutant que cela pose selon lui un réel problème.
L’avenir du recyclage du méthane
L’agriculture et l’industrie forestière représentaient 10,5 % des émissions aux États-Unis en 2018, mais elles ont également entraîné une réduction de 11,8 %. Cette capacité du méthane à être éliminé presque au même rythme qu’il est émis, ainsi que sa durée de vie plus courte, signifient qu’il ne se comporte pas comme le dioxyde de carbone. Il ne doit donc pas être traité comme son équivalent.
« Ce sont les deux seuls secteurs de la société qui ont la capacité de véritablement fournir une solution à un enjeu sociétal très important, affirme M. Mitloehner, à savoir l’amélioration du climat. »
Aujourd’hui, en Californie, le gaz méthane provenant de certains troupeaux de bovins laitiers est capturé dans des fosses couvertes puis converti en gaz naturel renouvelable, créant ainsi « le type de carburant ayant le meilleur bilan de carbone négatif qui soit », affirme M. Mitloehner. D’ailleurs, ces producteurs laitiers innovants ont déjà réduit leurs émissions de 25 %.
Si le méthane a parfois été présenté comme le « talon d’Achille de l’industrie laitière », selon M. Mitloehner, le fait de simplement jeter le blâme sur l’agriculture animale pour ses émissions de méthane minimise également la contribution des aliments d’origine végétale aux gaz à effet de serre. Par exemple, les émissions de l’agriculture végétale représentaient 0,6 % des émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis en 2017, tandis que les émissions de l’agriculture animale étaient en fait moindres – à seulement 0,5 %.
Le recyclage du méthane émis par les fermes laitières en gaz naturel renouvelable offre non seulement aux producteurs une source de revenus supplémentaire, mais aussi une solution de rechange au carburant diesel utilisé dans le transport. Si cette pratique se poursuit, d’ici cinq à dix ans, la majeure partie de l’industrie laitière de la Californie sera climatiquement neutre, « ce qui signifie que l’industrie n’influencera pas les températures de notre planète, conclut M. Mitloehner. Et c’est ce que je vise. »